La naissance de cette histoire doit plus au hasard qu’autre chose ; tout est réellement parti de l’apparition de son héros voici quelque temps dans un texte court, sans idée d’aller au-delà. Ayant participé en fin 2015-début 2016 aux tournois des nouvellistes de Nouveau Monde, j’avais imaginé, pour l’un de ces duels, une nouvelle SF titrée « Surveillance » avec un détective dans un style polar noir des années 50-60. Ce détective était suréquipé de gadgets futuristes, mais il était surtout nostalgique des romans et films de cette période. La chute de la nouvelle visait à faire découvrir au lecteur que ledit détective était un androïde, et non un humain ; cela a parfaitement fonctionné à l’époque et la nouvelle avait remporté son duel.
Mais, plus important pour moi, Gerulf était né. Il se trouve que décrire ce personnage, sacrément cabotin, m’a fait plaisir et qu’il a plu à mon relecteur de l’époque, avec qui je coécris maintenant quelques titres d’un univers SF particulier, celui des Mondes de Quirinus.
Suite à la sortie du « Hors-Série n°3 » de Nouveau Monde présentant les nouvelles de plusieurs auteurs, dont les miennes qui avaient donc croisé l’épée et gagné en duel, Fabien Lyraud avait émis quelques remarques fort sympas sur mes écrits et sur le fait que j’avais échappé aux radars. Aussi, lorsqu’il a créé Pulp Factory, partant à la recherche d’auteurs francophones de Pulp, il m’a semblé naturel de lui proposer une histoire SF mettant en scène mon androïde détective, voire, si cela fonctionnait, d’en faire un personnage qui pourrait revenir et avoir d’autres aventures indépendantes les unes des autres, mais toujours dans le même univers.
À cette époque, je venais de finir « Les Gueules des Vers » et de bâtir l’Univers de SysSol, avec énormément de détails, un historique complet, un vocabulaire, une situation planéto-politique complexe et suffisamment cadrée, une timeline plutôt fignolée. Considérer que Gerulf vivait à cette époque et dans ce monde dont je maîtrisais tout devint une évidence. L’apparition de la « Reine » et de cette partie d’échecs planétaire dans notre système solaire s’est faite tout naturellement dans la foulée.
À partir de là, reprenant « Surveillance » et la retravaillant dans une optique de roman, tout s’est enchaîné comme une évidence pour mon histrion, tant dans les personnages qu’il croisait que dans l’énigme qu’il avait à résoudre, quoique je devrais dire les énigmes, car elles s’emboitent comme dans une charade à tiroirs et se retrouvent troublées par les faux-semblants et les mensonges de l’apparence [bien obligé quand on apprécie Philip K. Dick]. L’histoire se déroule donc au cœur de SysSol et dans le proche futur [moins d’un siècle], ce qui signifie que j’ai usé, bien évidemment, de ce que j’aime écrire, en offrant la part belle à l’espace, à Mars, à la Spatiale, aux IA à l’intelligence suraigüe et, comme il se doit, à quelques humaines hautes en couleur. J’ajoute que je me suis fait un réel plaisir d’écriture en veillant à ce que l’aventure se teinte de références explicites et de clins d’œil au polar noir, aveu de ma passion pour les policiers, quelle que soit l’époque où l’énigme se déroule.
Pour autant, cette genèse ne se fit pas dans une totale facilité. Les relectures et les petites adaptations ont été nombreuses pour faire face à la nécessité de cohérence de l’enquête, l’impératif de laisser çà et là quelques incidents ou apparentes contradictions qui, sur l’instant, ne disent rien au lecteur, mais qui le feront réagir lorsqu’un évènement se produira.
Quant à la question que l’on m’a déjà posée sur ce titre détonnant pour de la SF, il a une origine lui aussi. Si vous lisez le roman, vous découvrirez que ce navire qu’est le Diable Rouge est associé non seulement à sa Reine, mais aussi à la princesse Wu Zetian, seule impératrice chinoise connue qui créa la dynastie Zhou dont elle fut l’unique monarque. Or, parmi les noms illustres d’Asie, qu’ils soient réels ou légendes, existe en Corée Chi Woo, dit le roi «Diable rouge» qui vainquit l'Empereur Jaune ou Huángdì. J’ai donc mêlé tout cela dans l’histoire et ainsi donné naissance à ce titre qui sonne effectivement plus dans le genre Fantastique ou Fantasy que SF.
Quoi qu’il en soit, si, comme dans mes autres écrits, j’ai pris un réel plaisir sur ce travail, il m’a permis d’ajouter Gerulf et celles qui l’accompagnent, que ce soit la Reine ou Miss Xiānhuā Xiānhuā [la fleur des fleurs], au panthéon – celui des Grecs et des Romains – de mes personnages préférés, venant accompagner, par exemple, Colorado ou Yessica d’une part, Line, Ellen ou Astrid d’autre part.
Il me reste à espérer que lectrices et lecteurs l’apprécieront aussi et qu’il puisse, grâce à elles et eux, vivre d’ici quelque temps une nouvelle aventure.